You are currently viewing La Culpabilité : Episode 2 du podcast « Le Café des Lucioles »

La Culpabilité : Episode 2 du podcast « Le Café des Lucioles »

Les articles que je trouve sur le thème de la culpabilité, alors que je parcours internet, se ressemblent : « comment transformer la culpabilité ? », « que faire de sa culpabilité ? », « comment sortir de sa culpabilité ? ». L’émotion est difficile à saisir, ses contours ne sont pas délimités. On ne sait pas quoi en faire.

La culpabilité est présente « lorsqu’un individu considère que ses actions ont transgressé une norme morale personnelle et causé du tort à autrui (Ortony, Clore, & Collins, 1988 ; Tangney & Dearing, 2002 ; Tracy & Robins, 2006). » Elle entraine un sentiment de « responsabilité personnelle » ainsi qu’une « forme de détresse éprouvée envers autrui (Baumeister et al. 1994 ; Ortony et al., 1988) ». Ce n’est pas un sentiment agréable. Contrairement à la joie, la colère ou la peur, elle est classée par plusieurs chercheur.euses dans la famille des émotions « réflexives ». Nous prenons le temps d’une autocritique, d’une évaluation de notre être et de nos actions, lorsque la culpabilité survient.

Les chercheurs Aurélien Graton et François Ric expliquent que la culpabilité est généralement associée à un désir de réparation contrairement à la honte.

Je vais reconnaître un tort causé puis vouloir le réparer. Si je casse un objet qui est précieux pour l’un.e de mes ami.es, il y a de grandes chances pour que j’essaye de le recoller, de lui retrouver un objet identique ou bien de le rembourser. Je vais mettre en place différentes stratégies de réparation en réaction à cette culpabilité.

Or, il arrive que la culpabilité soit partagée. Ou bien qu’il soit difficile de trouver un coupable définis. C’est le dilemme que pose l’engagement écologique : si j’achète une tomate, je serais directement responsable de mon achat mais pas de tout le système de production de cette tomate. Je n’aurais pas décidé de tout le chemin qu’elle aura fait pour venir jusqu’à moi mais je fais le choix de l’acheter elle.

Je ne suis pas individuellement coupable de l’exploitation animale mais j’ai mon rôle à jouer en tant qu’être humain. Pourtant, dans nos sociétés, tous les êtres humains n’ont pas le même pouvoir d’action et de réparation.

Il peut être tentant de mettre la culpabilité sur un piédestal. A première vue, on pourrait croire qu’elle est simplement une « bonne » émotion permettant de prendre ses responsabilités. Ne pas la ressentir serait dangereux pour l’humanité. Mais plusieurs expériences scientifiques démontrent que la culpabilité ne conduit pas forcément à une recherche de réparation.

Si j’explique lors d’un repas que j’ai un régime végétarien, il est possible que la culpabilité fasse réagir la personne qui mange avec moi. Dans ce cas, il est courant que mon régime soit critiqué en réaction, et cela bien qu’aucun débat n’ait été engagé. Il est plus rare que la personne, se sentant coupable, décide soudainement de changer de régime alimentaire.   

La culpabilité est un sentiment moral et culturel. Sa présence centrale dans notre rapport au monde n’est pas anodine. Car, comment parler de culpabilité sans évoquer le mythe du péché originel ? Notre culture judéo-chrétienne place la culpabilité au centre de son système de normes, de responsabilité. A l’origine, nous avons péché et devons réparer nos tords. Se laisser sombrer dans une culpabilité sans issue n’a rien de surprenant au regard du bagage que nous laisse ce mythe du serpent. Il nous faut apprendre à démêler tous ces sentiments pour agir et se réparer.

C’est ce que nous avons tenté de mettre en lumière dans cet épisode 2 du podcast « Le Café des Lucioles » : que faire de cette culpabilité ? Est-elle un levier pour agir ?

Il nous est apparu qu’elle pouvait être un levier d’action, une présence lors de forts moments de remises en questions, d’évolutions personnelles. Mais qu’elle camouflait aussi des anxiétés plus profondes, plus difficile à nommer.

En effet, lancer un processus de réparation de la planète est une tâche sans fin et individuellement irréalisable. Et la responsabilité est loin d’être individuelle et égale.

N’hésitez pas à nous contacter !

Et c’est par ici pour écouter le podcast « Le Café des Lucioles ».


Aurélien Graton, François Ric, « Comprendre le lien culpabilité-réparation : un rôle potentiel de l’attention », L’Année psychologique, vol 117, 2017, p. 379-404.

Lucas Brunet, « Face à l’angoisse écologique : stratégies émotionnelles et engagements épistémiques en sciences de l’environnement », Tracés, Revue de Sciences humaines, n°38, 2020, p.103-122.

Maroussia, Dubreuil, Tous écolo-imparfaits ! Nos petits arrangements avec la culpabilité écologique, Journal LeMonde, 2022.

Matthieu Vidard, Podcast « La terre au carré », Culpabilité écologique : faut-il attendre d’être parfait pour agir ? Radio France, 2022.

Swann Périssé, Podcast «Y’a plus de saison», Binge Audio.

Sur la culpabilité militante : Roxane Gay, « Bad feminist : essay », Harper Perennial, « Je préfère être une mauvaise féministe que ne pas être féministe du tout. »

Série américaine « The Good Place », comédie, Michael Schur, Universal Television Group, 2016-2020.

Travail sur les mythes et les émotions de Michèle Cottini.

Laisser un commentaire