Une société binaire
Pour cet article, j’ai voulu commencer par dire que je n’étais pas concernée. Je suis une femme blanche cis-genre. Cela signifie que je m’identifie dans le genre qui m’a été assigné à la naissance. Dans mon cas, je suis une femme.
Et puis j’ai réalisé que le sujet me concernait, qu’il nous concernait tous.tes. Simplement par le fait qu’il pose la question de l’identité de genre. Le genre n’est pas le sexe biologique. C’est une construction sociale impliquant les rôles, les comportements et les attentes de la société.
Cette construction divise les individus en catégories et « met en place une différenciation sociale culturellement apprise mais calquée sur une différenciation biologique » pensée. Notre société est binaire : d’un côté il y a le masculin et de l’autre le féminin. C’est une manière de classifier et de hiérarchiser les individus.
Classifier par identités de genre
Pour identifier une personne, il faudrait qu’elle correspondre à l’une de ces deux catégories. Cela pose une multitude de questions essentielles concernant nos identités. Par exemple :
- Comment décider de quel côté classer un individu ? Par exemple, c’est quoi être identifié.e en tant que femme ?
- A quel moment dans sa vie pouvons-nous décider de figer une personne dans une identité de genre ? Par quelles critères sûrs et certains ?
- Que faire si la personne ne correspond à aucun des critères sélectionnés ?
Face à l’étrangeté de ces questions, peut-être êtes-vous, comme moi, en train de vous demander s’il y a un réel intérêt à diviser en catégories. Je suis en train de parler d’identité comme s’il y avait seulement deux chemins possibles sans aucune variation.
La normalisation des violences
Je suis en train d’en dessiner les contours comme si la société, la culture, étaient les seules à décider des manières de nous identifier. Pourtant l’identité est également individuelle et subjective. Elle nous est propre.
En réalité, il y a au moins autant d’identités que d’êtres humains. Chacun.e devrait pouvoir être libre d’exprimer sa propre identité.
Pourtant, notez qu’aujourd’hui encore, la loi française permet, selon l’article L. 2131-6 du code de la santé publique, des opérations chirurgicales ou médicales sur les enfants intersexes sans leur consentement. Pour pouvoir faire entrer les enfants dans une catégorie, des opérations sont mises en place dès la naissance. Il faut choisir si l’enfant est un homme ou une femme avant même qu’il puisse lui-même se construire une identité.
De plus, il est encore courant que les parents ne soient pas bien informés et que le discours soit alarmiste. La loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique a permis de réduire de telles opérations violentes, pour certains cas et dans certains centres, mais les enfants sont encore loin d’être protégés à ce sujet.
Elargir l’identité de genre
Constater l’existence persistante de ces lois, alors que les droits des personnes transgenres reculent, peut paraître paradoxal. Mais c’est tout à fait cohérant dans une société qui impose des genres précis et encadrés.
Je me suis longtemps tournée vers les sciences sociales pour trouver plus de liberté, pour élargir mon identité. Le domaine des études de genre a été, pour moi, libérateur. J’ai compris que les genres sont, en réalité, multiples. Il y a de nombreuses possibilités entre « La Femme » et « L’Homme ». J’ai appris que les genres dits « hégémoniques » sont les représentations stéréotypées de ce que devrait être la masculinité et la féminité. Il existe plusieurs féminités, plusieurs masculinités. Et nous ne nous identifions peut être ni à l’une ni à l’autre de ces deux catégories.
L’identité de genre est bien plus large et personnelle que nos imaginaires occidentaux (et patriarcaux) nous le laissent penser.
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Petite bibliographie pour aller plus loin :
Bruno Saintôt, « Qu’est-ce que le genre ? Petit précis d’une notion large.», Revue Projet, 2019/1 N° 368, p.13-20 : https://shs.cairn.info/revue-projet-2019-1-page-13?lang=fr#s1n3.
Camille Guérin, «Transcripteur : 1 an sous T», autoédition, 2022.
Elsa Fondimare, « Le genre, un concept utile pour repenser le droit de la non-discrimination », La Revue des droits de l’homme, 5, 2014 : https://journals.openedition.org/revdh/755.
Intersections, revue semestrielle Genre et Droit, Lisa Carayon, Stéphanie Hennette Vauchez, Marc Pichard : https://revue-intersections.parisnanterre.fr/index.php/accueil.
Léa Bordier, Cher Corps, Delcourt, 2019.